Wednesday, August 31, 2011

What about the wealthy in France? A few also want to pay more taxes

This article in Le Monde (in French) talks about taxes and philanthropy in France.


Pourquoi les Français les plus riches préfèrent l'Etat à la philanthropie

Même le Guardian leur a rendu hommage. Le quotidien britannique de centre gauche, rarement coupable d'indulgence envers les élites françaises, cherche désespérément "une Liliane Bettencourt ou un Warren Buffett anglais". Et raille les superriches du royaume, qui ne songent "qu'à se faire de l'argent sur le dos des pauvres", alors que ces bons milliardaires français et américains se -battent pour payer plus d'impôts.
Le point de vue est légèrement caricatural. Les Britanniques ne sont pas les derniers de la classe en philanthropie, et en termes de dons, Liliane Bettencourt est encore loin derrière Warren Buffett. Mais l'appel lancé par le grand financier américain, qui se plaignait le 15 août dans le New York Times de ne payer que 17,4 % d'impôt fédéral sur le revenu (soit 7 millions de dollars, l'équivalent de 4,8 millions d'euros), et quasi simultanément par Maurice Lévy, PDG de Publicis, le 17 août dans Le Monde, suivi par quinze autres grandes fortunes françaises, dans Le Nouvel Observateur, sur le thème "Taxez-nous !", a fait mouche. Pas nécessairement auprès de leurs gouvernements respectifs, pour l'instant sourds à leurs suppliques, mais dans l'opinion et au sein de la communauté des très riches.
L'idée se répand en Europe comme une traînée de produits financiers toxiques : après le patron de Ferrari, Luca di Montezemolo, cinquante hauts revenus allemands ont réclamé, lundi 29 août, de contribuer davantage aux recettes publiques. Ces cinquante Allemands, qui se sont baptisés "Les riches pour un impôt sur le capital", ne jouent pas dans la même catégorie qu'un Buffett ou une Bettencourt, mais estiment "avoir plus d'argent qu'ils n'en ont besoin". La montée des inégalités, que les statistiques illustrent de manière de plus en plus spectaculaire en cette période de crise, fournit la toile de fond de ce débat.
Aux Etats-Unis, Warren Buffett, 81 ans, n'a pas convaincu Barack Obama de le taxer davantage, mais il a depuis longtemps trouvé un autre mode de redistribution de sa fortune : la philanthropie. Autrement dit, le don. Il y a un an, M. Buffett et son ami Bill Gates, l'homme le plus riche des Etats-Unis, ainsi que trente-huit autres milliardaires américains, ont signé un "engagement du don", promettant de donner au moins la moitié de leur patrimoine à des -causes d'intérêt général. Près de vingt autres très hauts revenus, comme Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, les ont suivis depuis.
Et en France ? Personne. La philanthropie n'est pas étrangère à certaines de nos grandes fortunes, mais jamais dans les mêmes proportions que Bill Gates ou Warren Buffett. Qu'est-ce qui empêche donc les quelques richissimes Français désireux de se départir de leur trop-plein de richesse de donner leur argent non pas à l'Etat, qui n'en veut pas, mais à des fondations ?
La réponse n'est pas aisée. Le vieil argument selon lequel "la fiscalité américaine encourage la philanthropie, ce qui n'est pas le cas en France", ne tient plus depuis que la loi Aillagon a créé, en 2003, l'un des dispositifs fiscaux les plus incitatifs d'Europe pour le don. Et les contradictions du discours de patrons prompts à dénoncer les dérives de l'Etat-providence et pourtant soucieux de ne confier leur fortune qu'à l'Etat laissent rêveur. Martin Hirsch, ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, reste perplexe : "J'ai fini par réussir à percer le mystère de la pauvreté, dit-il, mais pas celui de la richesse." Lui-même a suggéré, dans Le Monde du 24 août, la création d'une "fondation de grande taille, administrée par ceux qui y déposeraient une part de leur fortune, pour investir dans le social business". Modeste réaction, mais réaction quand même : un groupe de jeunes financiers lui a déjà promis de réunir "au moins 100 000 euros".
Il faut, pour comprendre, se plonger dans les tréfonds du subconscient français et examiner notre attitude à l'égard de l'argent. Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France, voit le nombre de fondations régulièrement augmenter dans notre pays, qui, assure-t-il, ne manque pas de générosité. Simplement, en France, quand on est riche et généreux, on préfère rester anonyme. Question d'image. "C'est un problème culturel massif", regrette-t-il. "Aux Etats-Unis, on réussit à travers la richesse que l'on crée, donc il est naturel de la redistribuer, note le bras droit - anonyme - d'un milliardaire. Alors qu'en France, on est suspect. Si on fait un don, c'est forcément pour être défiscalisé ou par repentance."
L'engouement de François Pinault pour l'art et son désir de le faire partager sont connus. Ses dons à des oeuvres plus sociales le sont moins, et pour cause : il ne souhaite pas les rendre publics. Une jeune génération d'entrepreneurs, notamment du high-tech, pour lesquels le don est plus naturel mais qui veulent le voir consacré à des projets concrets, fait doucement évoluer les choses, relève Antoine Vaccaro, directeur du Centre d'étude et de recherche sur la philanthropie. Ils n'ont pas encore la force de frappe des vieilles fortunes. Mais eux, au moins, sont décomplexés.
kauffmann@lemonde.fr
Sylvie Kauffmann, directrice éditoriale

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